Une heure de retard [Terminé]

Azura referma derrière elle la porte de la chambre 8, sa chambre. Cette matinée avait été plutôt stressante pour la jeune femme; elle avait dû transporter toutes ses affaires depuis l'hôtel ou elle se trouvait pour emménager au lycée Sousaku. Hors, elle loupa le bus qui devait l'y conduire. Résultat: Azura se retrouva une heure à attendre, seule, en priant pour que M. Youichi, avec qui elle avait rendez-vous à 11 heures, lui pardonne ce "léger" retard. Elle en profita pour aller manger un morceau, attirant le regard sur son passage: n'oubliez pas qu'elle se trimballait une immense valise...
Azura marcha en direction du hall, puis monta les escaliers qui menaient au 1er étage. Elle appréhendait ce rendez-vous avec le directeur. Une heure de retard, ce n'est pas rien... Et si il la renvoyait? Elle n'avait même pas eu le temps de s'habiller convenablement! A cause de ce fichu bus raté, elle s'était empressée d'apporter ses affaires dans sa chambre, s'était recoiffée à la va-vite et était directement sortie de son nouveau "chez-soi".
La boule au ventre, Azura lut la petite plaquette fixée sur la porte en face d'elle: Directeur.
Elle inspira un grand coup, remit son T-shirt correctement, et toqua à la porte. Un "entrez", se fit entendre, et Azura ouvrit la porte.
Elle découvrit, assis derrière son bureau, le directeur en train de manger.
-Lo siento... Soy Azura Dominguez, le professeur de physique que vous avez engagé il y a une semaine. Yo... J'avais rendez-vous à 11 heures avec vous... Mais figurez-vous que j'ai raté mon bus! Alors j'ai attendu le suivant, puis j'ai amené mes affaires dans ma chambres et je me suis dépêchée de monter vous voir...
Jamais elle n'avait été aussi gênée. Rougissante, elle attendit de voir comment M.Youichi allait réagir...

Enfin seul... il avait réussit a mettre à la porte, ce satané secrétaire à la voix irrémédiablement aiguë... Dieu, qu'il détestait cette voix. Et devinez ce que ce jeune stagiaire venait faire ? Parler, évidemment ! Parler des lettres reçues, des courriers électroniques, des postulats de professeurs. Mais tout ça, ça le concernait. Il était directeur, il devait l'assumer. C'est quand le secrétaire commença à raconter une de ses anecdotes que Youichi ne put se retenir de lui faire remarquer, d'une voix mécontente et d'un regard insistant, qu'il avait du travail. Bon, c'était certes vrai, mais il était midi, il n'allait pas s'atteler à son travail tout de suite. Il prendrait bien le temps de manger, et quand Chaka, le sous-directeur, ferait son entrée en scène pour lui donner des documents à 13h pile, comme chaque jour (ce type devait avoir une horloge incorporée dans le corps, c'était impossible autrement), alors là il recommencerait son train-train de directeur strict et digne de ce nom. Hum, il devait aussi recevoir de nouveaux professeurs de physique-chimie, puisque celle que le démon avait engagé le jour avant lui avait fait faux bond ce matin même. Sale gamine, elle n'avait que 27 ans, elle se devait de respecter ses aînés. A cette pensée, Tsuyosa recommençait à froncer les sourcils... Bah, tant pis, il s'occuperait de tout ça cet après-midi...

Le directeur aux cheveux blonds sorti de son tiroir un bento préparé à l'avance : boulettes de viandes, rouleaux de printemps au poulet... Aucune verdure, étant donné qu'un carnivore est un carnivore, que diable ! Il prit son repas dans une main, les baguettes dans l'autre... Il avait soudainement l'impression que quelqu'un, ou quelque chose, allait surgir de nulle part et l'interrompre dans son moment préféré de la journée.
Une boulette au bout des baguettes, il attendit... 20 secondes, 30 secondes.
Un toc-toc qu'il trouva étrangement désagréable résonna dans sa tête. Saleté d'intuition, pourquoi avait-elle été bonne ? Le démon lâcha un "Entrez" négligé, avant que la porte ne s'ouvre timidement. Une jeune fille, probablement la vingtaine, commença alors un monologue peu claire et mélangé de deux langues :

-Lo siento... Soy Azura Dominguez, le professeur de physique que vous avez engagé il y a une semaine. Yo... J'avais rendez-vous à 11 heures avec vous... Mais figurez-vous que j'ai raté mon bus! Alors j'ai attendu le suivant, puis j'ai amené mes affaires dans ma chambres et je me suis dépêchée de monter vous voir...

Il attendit, quelques secondes... Elle avait l'air gênée, et rougissait légèrement. Attendez, qui c'était déjà ? Dominguez ? Ouais, c'était ça... enfin, sûrement.
Le directeur posa ses baguettes au bord de son bento, se leva, et dit d'un ton plutôt froid :

- 11 heures... et là il est midi. Et vous voulez faire quoi déjà ? Professeur ?

Après cette phrase accusatrice et pas très sympathique, il laissa ses yeux isabelle glisser sur la demoiselle du nom d'Azura... Des cheveux détaché, bruns foncés et pas très bien coiffés. Un simple t-shirt et un jeans. A quoi elle jouait ? Quand on vient voir son employeur, on se travaille un peu, même si on a rater son bus. Ok, elle avait déjà 1h de retard, mais justement, 1h02 n'aurait pas changé grand chose.
On l'avait interrompu dans son repas, alors qu'il venait de se débarrasser d'un gêneur... Oui, il était de mauvaise humeur.

- En retard et mal préparée... C'est quoi le but là, vous voulez me montrer que vous vous en fichez, de ce boulot ?

Le directeur s'arrêta de manger lorsque Azura entra dans la pièce. A voir sa tête, il n'était vraiment pas de bonne humeur, ce qui était plutôt compréhensible; un professeur avec qui il avait rendez-vous une heure auparavant arrive alors qu'il est en train de manger un bento.
Après s’être excusée du mieux qu’elle pouvait, Azura attendit, le cœur battant, que le directeur lui réponde. Intérieurement, elle espérait qu’il lui dirait un truc du genre « Bah, c’est pas si grave! » puis qu’il ajouterait sur le ton de la plaisanterie « Mais attention, hein! Que cela ne se reproduise plus! ».
Jamais elle n’avait vu ses vœux aussi mal exaucés.
Tout d’abord il se moqua d’elle. Puis il critiqua son apparence. Enfin, il l’a provoqua.
Azura ne dit rien. Elle se contenta d’observer le directeur quelques secondes. Youichi avait des cheveux blonds, il était passablement grand et portait des vêtement tout ce qu’il y a de plus décontractés. Exactement comme Azura s’en souvenait. Sauf que, la fois ou elle l’avait vu pour la première fois, il avait été nettement plus sympathique avec elle. Elle réfléchit. Comment le convaincre de la garder? La pitié n’aurait certainement aucun effet sur lui, et la menace encore moins.
Sans se laisser démonter, la jeune femme s’approcha du bureau, s’assit dans un des deux fauteuils placés en face du directeur et se remit à parler, posément:
-Escuchar señor. Je suis en retard. Vous êtes en colère, je comprends. Vous vous attendiez à voir surgire de votre porte un prof de science, lunettes sur le nez, vêtements convenables et coiffure correcte. Et par dessus tout, qu’il soit à l’heure. Lo siento, ça ne s’est pas passé comme ça. Je débarque alors que vous êtes en train de dîner, je suis vêtue comme si j’allais faire mes courses et ma coiffure ressemble à celle que j’ai le matin en me levant. Je suppose donc que vous allez vous poser la question sur le fait de me garder en tant que professeur.
Azura se tut quelques instants, fixant le démon dans les yeux. Elle passa sa main dans ses cheveux, plaçant une mèche vagabonde derrière son oreille. Elle était mal à l’aise. Elle n’aimait pas cet homme qui la fixait depuis son bureau, et qui pouvait, d’une simple phrase, la virer. Azura ne savait plus quoi dire pour convaincre Youichi. De toute façon, même si elle avait des arguments pour qu’il la garde, il n’en aurait eu que faire. Autant aller directement au but.
-Pero... Porfavor, laissez-moi quand même une chance.

La jeune femme semblait impassible à ses remarques, qui glissaient sur elle comme de l'eau sur les plumes d'un canard. Elle ne le laisserai pas faire, ou du moins c'était ce que son regard laissant transparaître. Azura lui plaisait bien. Enfin, plaire, c'était un bien grand mot. Disons plutôt qu'il l'appréciait... Alors que Tsuyosa était à deux doigts de lui indiquer la porte, elle s'avança, prit son siège et s'assit en face du directeur. Elle recommença à parler, calmement, souhaitant sans doute conserver le travail qu'elle venait de décrocher.
En effet, c'était bien son but... le but de n'importe qui, d'ailleurs. C'était une réflexion stupide.

Elle disait qu'elle le comprenait, qu'elle trouvait justifié qu'il soit en colère et qu'il revienne sur sa décision concernant le poste de la jeune fille. Ben voyons. Le contraire aurait été très déplacé. Elle ajouta également qu'elle était loin d'être un professeur typé du professeur de chimie, binoclard et enveloppée, irréprochable sur son physique et sur sa spontanéité. Non, il ne s'y attendait pas. Il avait autre chose que d'imaginer ce qu'était un prof de chimie pendant la journée... Il se fichait complétement de son apparence, tout ce qu'il attendait de la nouvelle, c'était qu'elle se présente à l'heure. Tout simplement.
Lorsqu'elle lui demanda, avec quelques mots d'espagnol, que le démon lui laisse une chance, qu'il accepte de la laisser faire ces cours, Youichi laissa quelques secondes de blanc, avant de se laisser tomber dans son fauteuil. Il soupira, et réfléchit un peu.
Il poussa son repas sur le côté, avant de tirer son fauteuil contre le bureau et ainsi se rapprocher de la demoiselle.
Le directeur avoua, avec un ton moins froid même s'il n'était toujours pas sympathique :

- En admettant que je vous garde. Qu'allez-vous en tirer ? Que vous pouvez arriver en retard, que c'est pas grave ? Vous n'avez jamais enseigné, alors comment est-ce que je peux être sûr que vous ne prendrez pas de conclusions trop hâtives...

En la regardant à tête reposée, elle avait tout ce qu'une femme aurait bien pu vouloir avoir. Ses longs cheveux bruns couleur chocolat, descendaient en cascade sur ses épaules fines et bien dessinée. Sa peau foncée laissait ressortir ses yeux noisettes. Ses yeux... rappelaient ceux d'un loup. A tiens, c'était vrai, elle avait dit être une loup-garou. Pourtant, en entrant, elle ne lui avait pas eu l'air bien grande... pas plus d'un mètre septante en tout cas.
Une oreille dégagée, rendait son visage encore mieux encadré par ses mèches brunes. Cette fille, c'était de l'art. Une réussite qui avait probablement fait la fierté de ses parents, et de son petit-ami voire mari.
Tch. Lui, il aurait bien voulu avoir un professeur comme elle.
Mais il avait toujours eu le professeur typé du parfait petit chimiste.

- Bon, écoutez... je veux bien vous garder, si me rendez un service : vous assurez également les 4 prochaines heures de colles, avec moi.

C'est vrai quoi. Les heures de colles, c'était le truc le plus barbant du monde. Surveillez les élèves qui ne font quasiment rien. Un peu comme gardien de nuit dans un parking, c'était ennuyeux à mourir.
Il fallait bien qu'elle se rende utile, la petite nouvelle...

Azura observa Youichi, attendant fatidiquement sa réponse. Elle pria intérieurement pour qu'il ne lui dise pas d'aller se faire voir, de chercher du boulot ailleurs. Elle avait besoin de travailler. Car elle ne le disait jamais à personne, mais sa vie commençait à l'ennuyer. Célibataire, sans enfants, pas de vrais amis... Elle était toujours seule. Lorsqu'elle avait entreprit ce voyage au Japon, elle pensait qu'elle arriverait à fuir sa propre solitude et que quand elle serait de retour en Espagne, tout aurait changé. Maintenant, elle sait pertinemment que rien ne changera. C'est à elle de prendre sa vie en main, pas attendre que le destin s'en occupe. C'est en tombant sur ce poste de professeur de physique-chimie de libre qu'elle compris cela. Alors elle avait foncé. Mais à présent, tout risquait de partir en fumée, à cause d'un bus raté...

- En admettant que je vous garde. Qu'allez-vous en tirer ? Que vous pouvez arriver en retard, que c'est pas grave ? Vous n'avez jamais enseigné, alors comment est-ce que je peux être sûr que vous ne prendrez pas de conclusions trop hâtives...

Azura ne répondit pas. Le directeur semblait beaucoup réfléchir sur son cas, inutile de s'enfoncer en disant une chose qu'il ne fallait pas. Elle continua simplement de maintenir son regard, les doigts croisés.

- Bon, écoutez... je veux bien vous garder, si me rendez un service : vous assurez également les 4 prochaines heures de colles, avec moi.

Azura ne put contenir sa joie. Son visage s'illumina d'un immense sourire, plein de reconnaissance. Bon, elle devrait assurer les heures de colles, et alors? Aider les gens, n'était-ce pas son but?

-Oh gracias! Je vous promet que je ne vous décevrais plus. Et je me ferai une joie de vous aider pour les heures de colles. Gracias señor.

Puis la jeune femme se leva, les yeux pétillants et le sourire aux lèvres. Elle parla d’un ton plus calme:

-Maintenant... Voulez-vous reporter notre rendez-vous? Vous étiez en train de manger quand je vous ai dérangé alors...

A 10h30, le sous-directeur en avait déjà marre. En quelques heures à peine, il avait déjà du remplir tout un tas de documents. Lire les corrections apportées par Tsuyosa aux lettres qu'il venait de composer, en souligner d'autres, et redonner le tout au secrétaire pour qu'il les apporte à son supérieur et que le "train-train quotidien" recommence. Il trouvait ça pénible, mais le pire, c'est qu'il savait pertinemment que ce n'était autre que lui-même qui avait choisi ce poste. Essayant désespérément de se motiver, le jeune directeur s'imagina ce que le démon pouvait bien faire de sa matinée, priant pour qu'elle ne soit pas autant démoralisante que la sienne. D'ailleurs, en pensant au directeur, Chaka se dit qu'il aurait mieux fait de faire secrétaire. Une porte, quelques pas dans le couloir, et une autre porte. Voilà tout ce qui séparait les deux directeurs, et pourtant, ils ne se voyaient pratiquement jamais. Heureusement qu'il avait réussi à convaincre le secrétaire de lui laisser apporter lui-même les documents importants de l'après-midi au directeur. Il s'était juré d'accomplir cette tâche tous les jours aux environs de 13h, mais, il était en fin de compte tellement pressé de s'accorder cette entrevue que dès que l'horloge accrochée au mur en face de son bureau indiquait 13h moins une, il préparaient les documents qu'il devait transmettre.

Seulement aujourd'hui, ça n'irait pas. Il était midi et quart, il n'avait pas encore mangé, il venait de passer au moins trente minutes au téléphone à répondre aux questions d'une mère trop inquiète pour son fils (17 ans, le fils ! 17 !)... autant dire qu'il ne tiendrait pas le coup une demi-heure de plus. Il prit sa décision et se leva, déterminé. Il sorti d'une petite armoire à côté de son bureau un bento fait (avec amour) le matin même et des baguettes, et posa le tout sur la pile déjà bien remplie qu'il devait remettre au directeur. Il allait enfin pouvoir s'accorder un peu de temps, et cela en compagnie du démon.
Il effectua le cours trajet qui les séparait rapidement, et ouvrit la porte du "bureau de M. Youichi", un grand sourire aux lèvres. Après tout, le directeur devait être en train de manger, et Chaka ne risquait donc pas d'arriver en pleine réunion ou quoi que ce soit. *Un essai, perdu ! Dommaaaage !* Si le jeune homme était un personnage de jeu vidéo, il aurait entendu cette phrase à l'instant précis où il avait ouvert la porte. En effet, face à lui, le directeur assis derrière son bureau. Et face au directeur, une femme. Une jeune femme. Jolie. Kamizori ne la voyait que de dos, mais il l'imaginait parfaitement. Tout comme il imaginait la scène : prenez un directeur sexy (selon lui) et une jeune femme tout aussi belle (aussi selon lui, mais sans doute de l'avis d'autres personnes également). Hum. Huuum.
Le sourire sur son visage disparu bien vite. Regardant à tour de rôle le directeur puis le dos de l'inconnue, il laissa échapper un "Bonjour" renfrogné et à peine audible, avant de dire, à l'intention du démon et en indiquant la jeune femme d'un signe de tête :

- Et c'est qui, "ça" ?

...La jalousie est un vilain défaut. Et notre ami sous-directeur est plein de défauts.

Elle acceptait. Elle acceptait de l'aider aux heures de colles. Finalement, la journée s'annonçait plus sympa que prévue... Sans doute était-elle si enthousiaste pour une seule et bonne raison : Azura n'avait jamais fait de ces "heures de colles". Elle ne savait pas ce qui l'attendait, et c'était tant mieux pour lui, puisque grâce à ça il avait non seulement une collègue pour cet enfer, mais également un professeur de Physique-Chimie...
Sauf que ça allait devenir encore plus amusant.
Alors que le démon allait répondre à la demoiselle, en lui disant que non, il ne repousserait pas le rendez-vous, parce qu'elle serait capable de le faire encore attendre, la porte s'ouvrit. Sans toquer. Ce n'était donc ni le secrétaire, ni un professeur. C'était Chaka, le sous-directeur, son collègue. Pourtant, il n'était pas encore une heure, peut-être midi et demi, tout au plus.
Et le voilà qui apparait, bento et documents en main. L'air surpris. Ou choqué.

Il contempla Osa d'un oeil méfiant, que le monstre lui renvoya, entre nous, avant de laisser son regard glisser sur la nouvelle, de dos. Il avait l'air... Contrarié, tout à coup. Ah, quand il faisait cette tête, Youichi savait qu'on allait pas tarder à s'amuser. Beaucoup même. L'humain adressa un mouvement de tête à Osa en indiquant Mademoiselle Dominguez d'un ton désagréable.

Il l'appelait "ça". Ouuuh, ça promettait d'être haut en couleur. Il aimait déjà leur collaboration à trois. Histoire d'envenimer un peu les choses, et sachant que Chaka ne résistait pas à ce genre de remarque, il lâcha un "On allait enfin passer à la pratique..." d'un air déçu, doucement mais juste assez audible pour notre ami de sous-directeur.
Le démon se laissa tomber dans son fauteuil tournant, comme s'il avait vraiment raté l'affaire de sa vie, et indiqua la jeune femme devant lui en disant :

- Dominguez Azura, la nouvelle prof' de Physique-Chimie... il indiquait à présent Chaka du bout des doigts, en disant à la demoiselle : Et Kamizori Chaka. Le sous-directeur, autrement dit : un de vos nouveaux supérieurs... Ne vous fiez pas à son air mécontent, il est plutôt sympa avec les jolies filles...

Et hop, encore une petite remarque... Il attendait la suite avec impatience, mais contenait incroyablement bien son jeu...
Dieu, qu'il aimait son travail.

Azura attendait que Youichi lui réponde à propos de sa proposition de repousser leur rendez-vous, mais le directeur fut coupé par l’entrée soudaine d’un homme dans le bureau. Visiblement, le nouvel arrivant semblait étonné de découvrir la jeune femme ici. Il voulait sûrement dîner avec Youichi, étant donné qu’il portait un bento dans ses mains... Azura aurait bien voulu se présenter, s’excuser de déranger leur rendez-vous, mais l’homme la coupa dans son élan en demandant d’une voix plus que désagréable:

- Et c'est qui, "ça" ?

Azura vit son sourire disparaître. Elle aurait bien aimé lui dire qu’elle n’était pas une chose, qu’elle était une personne, un professeur même et qu’il n’avait rien à dire. Mais elle entendit soudain le directeur laissait échapper une phrase « On allait enfin passer à la pratique...», et Azura se retourna brusquement vers lui, n'étant pas sûre d'avoir bien compris (après tout, elle ne parlais le japonais que depuis une année... Elle n’avait sûrement pas bien compris ce qu‘il venait de dire.).
Youichi présenta ensuite Azura Dominguez à l'homme, et inversement. Ainsi, c’était le sous-directeur... Heureusement qu’elle ne lui avait rien répondu quand il l’avait appelée « ça ». Toutefois, la remarque du sous-directeur lui restait dans la gorge, et il ne semblait pas vraiment désolé pour ce qu’il avait dit c’est pourquoi la voix d’Azura fut si froide quand elle alla serrer la main de Kamizori:

-Enchantée de vous rencontrer, señor.

Azura avait décidé de ne pas prendre en compte la dernière remarque du directeur, comme quoi Kamizori était sympa avec les jolies filles. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait l'impression que Youichi samusait beaucoup...

Evidemment, ce n'était pas une très bonne entrée en matière. Après tout, si cette jeune femme était dans le bureau du directeur à ce moment là, c'est peut-être qu'elle avait rendez-vous. Oui, il devait forcément y avoir une explication. Seulement, alors que le sous-directeur s'efforçait de trouver le pourquoi, le comment, l'explication rationnelle de la présence de la jeune femme, il vit le directeur articuler silencieusement des mots. Des mots qu'il entendit et compris, malgré lui. Une phrase qui brisait ses espoirs et apportait "l'explication rationnelle". Pas celle qu'il attendait, certes, mais une explication quand même. "On allait enfin passer à la pratique". Simple, claire, précis. Ce dont on pouvait s'y attendre de la part de ce démon de directeur. Chaka eut juste le temps d'ouvrir des yeux béats avant que Youichi n'enchaîne avec les présentations, comme tout début habituel de conversation.

- Dominguez Azura, la nouvelle prof' de Physique-Chimie... Et Kamizori Chaka. Le sous-directeur, autrement dit : un de vos nouveaux supérieurs... Ne vous fiez pas à son air mécontent, il est plutôt sympa avec les jolies filles...

Bien, au moins cette fois, on commençait par le commencement ...quoique. D'abord surpris, le sous-directeur ne tarda pas à fusiller son supérieur du regard. Il aurait bien voulu répliquer, mais la jeune femme - qui semblait s'appeler Azura - se leva et lui serra la main, en lâchant un "Enchantée" glacé. Elle avait donc cru à ce qu'avait dit le directeur, comme quoi le sous-directeur était... "sympa avec les jolies filles". A moins qu'elle ne soit tout simplement en colère qu'il soit arrivé au mauvais moment ? Il répondit dit tout de même, un peu sur la défensive :

- Moi de même, Mme... Dominguez ? Répondit-il avec un accent particulièrement non approprié à la langue espagnole... désolé, mais ce n'est encore qu'un débutant)

Il s'approcha ensuite du bureau du directeur pour y déposer la pile de document et, par al même occasion, son bento. Il s'adressa ensuite au directeur, d'un ton relativement joyeux pour ce qu'il ressentait en réalité :

- Eh bien... J'apportais la paperasse de l'après-midi avec l'intention de partager un repas, mais à voir, tu es déjà en bonne compagnie. Avant d'ajouter, cette fois suffisamment doucement pour que la nouvelle professeur n'entende pas : Et j'espère que tu n'étais pas sérieux, directeur... indigne et infidèle.

Azura n'avait pas laissé Chaka répondre, elle ne l'avait pas laisser jouer son tour, engueuler le démon, demander des explications, ou encore autre chose... Il fallait avouer que ce cher sous-directeur avait une imagination débordante, un petit quelque chose que lui avait donné la nature pour répondre au démon ce dont il n'avait jamais eu l'idée.
Elle s'était levée, elle avait tendu la main vers Kamizori, pour le saluer. Elle voulait le saluer. Il l'avait traité comme une "chose", et elle, elle voulait lui "serrer la main". Aucun doute, le directeur ne comprendrait jamais les femmes. Lui, il aurait envoyé quelque chose à la tête de Chaka, avec quelques insultes... Quoique, il aurait peut-être juste dit quelque chose de désagréable, fait une remarque quelconque sur son physique ou sa tenue avec un sourire en coin. Ouais, plutôt ça. C'était bien plus drôle. Enfin bref. Ils n'étaient pas là pour débattre sur "comment énerver quelqu'un".
A noter que Chaka avait laisser ses yeux sortirent quand il avait entendu la phrase murmurée du démon. Un point pour lui.

Sur la défensive, méfiant, le sous-directeur répondit aux attentes de la jeune femme. Il lui serra la main, répondant même qu'il était, lui aussi, enchanté. Finalement, il la laissa tomber, lâchant la main de la demoiselle, pour se diriger vers le bureau. On aurait dit qu'il la fuyait, comme s'il la craignait. Si c'était le cas, Osa n'avait qu'un conseil : ne tourne jamais le dos à tes ennemis. C'est ce qu'il aurait bien voulu dire, mais comme vous et moi, il savait que c'était une mauvaise idée. Donc, comme nous le disions, il se dirigea vers le bureau, posant des documents et... un bento ? sur ce dernier. Oh, il venait dîner, visiblement. Oups, il était arrivé au mauvais moment.
Le sous-directeur dit, en plaisantant, que le dirlo était en bonne compagnie. Ah-ha, tu parles. Il n'était pas content, et sa ce voyait sur son visage. Mais le démon comptait bien le garder pour lui, il ne lui ferait pas remarquer.
L'humain risquerait de s'en aller, vexé, et le spectacle serait alors déjà finit...
Il ajouta, doucement, presque timidement, une phrase qui fit esquisser un rictus un peu malsain sur le visage du démon :

- Et j'espère que tu n'étais pas sérieux, directeur... indigne et infidèle.
Eheh, il le narguait, maintenant. Malheureusement pour lui, Osa n'allait pas le laisser s'en tirer comme ça, et lâcha, tout sourire, toujours doucement pour que Azura n'entende pas (ou si elle entendait, c'était pas bien grave) :

- De quoi tu parles, sous-directeur... naïf et jaloux ?

Finalement, il regarda Azura, sortant un bento de son tiroir avant de le lui tendre, amicalement (il en a toujours deux, de toute façon XD)...

- Au lieu de tout repousser, vous pourriez manger avec nous non ? Il est midi, c'est donc la première chose a faire.... Et rien ne nous empêche de parler en même temps.

Azura sourit en entendant le sous-directeur la saluer en essayant de prononcer son nom à l'espagnol. En même temps, elle ne pouvait pas vraiment se moquer, elle non plus ne devait pas avoir un super accent japonais... Quoi qu'il en soit, la jeune prof n'eut pas vraiment le temps de répondre quoi que ce soit, car Kamizori s'avançait déjà vers le bureau de Youichi pour y déposer un e pile de documents et annoncer au directeur qu’il avait l’intention de dîner avec lui, mais qu’il avait l’air d’être déjà en bonne compagnie.
Azura observait les deux hommes, ne cachant pas trop ou se mettre. La première chose qui l’avait frappée quand elle avait vu Chaka, c’était ses tatouages noirs qui lui descendaient sur les joues. Il était de taille normal, et avait un air plutôt naïf et gentil (si, bien sûr, on faisait abstraction de sa phrase de tout à l’heure). En fait, il contrastait un peu avec le directeur, qui avait un regard malin et rusé. Le sous-directeur ne devait sûrement pas être un vampire, il était trop grand. Tout comme il ne pouvait pas être un démon, il était trop petit. Instinctivement, Azura su qu’il n’était pas non plus un loup-garou, elle l’aurait senti. Il ne restait donc que les possibilités qu’il soit un ange ou un humain... Sauf qu’il n’avait pas d’aile, et les anges sans ailes étaient plutôt rares.
Azura sortit de sa réflexion, remarquant soudain que Kamizori s’était mis à parler doucement, comme s’il ne voulait pas qu’elle l’entende. Dommage, il ne savait certainement pas qu’elle était un loup-garou. Or, les loup-garou ont une ouïe très développée, et Azura entendit malgré elle ce qu’il dit à Youichi:

-...directeur... indigne et infidèle.
- De quoi tu parles, sous-directeur... naïf et jaloux ?

La jeune femme fit comme si elle n’avait rien entendu. Elle était loin de s’imaginer que ses deux supérieurs étaient... ensemble. Ca non, elle ne s’y attendait pas. Quand Youichi lui proposa alors de manger avec eux au lieu de repousser leur rendez-vous, Azura s’entendit alors balbutier, comme si elle avait été prise en faute:

-Oh je... Je ne voudrais pas m’imposer...

Puis elle se rendit compte qu’elle mourait de faim. Et en plus, le directeur ne voulait pas reporter son rendez-vous, et il avait un second bento à lui offrire... Elle ajouta alors, tout sourire:

-Pero... Pourquoi pas? Je vous remercie, señor.

Elle prit le bento que lui tendait Youichi, et s’assit dans le fauteuil qu’elle avait quitté quelques minutes plus tôt.

Evidemment, la dernière phrase qu'il avait prononcé tout bas n'avait pas eu l'effet souhaité. Il le savait avant même d'ouvrir la bouche : il ne s'en sortirais pas si facilement. Le démon avait toujours une quantité de phrases pour vous rendre la pareille, deux fois plus fort, et vous mettre mal à l'aise. Cette fois encore, il avait démonté son collègue laissant à peine celui-ci finir sa phrase :

- De quoi tu parles, sous-directeur... naïf et jaloux ?

Et voilà, il s'en était pris plein la face, de la même manière qu'une tarte à la crème dans ces show TV rétro. Que répondre à cela ? D'autant plus que ce n'était que la stricte vérité ? Jaloux, oui, quoi de plus véritable ? Et puis naïf... peut-être un peu aussi, admettons. Comme les paroles manquaient, il ne répliqua rien, se contentant de le regarder intensément de ses yeux noisettes. Dieu, que le directeur était beau. Mais lui détourna bien vite son regard pour en rajouter une couche. Il sorti un bento comme par magie et le tendit à la nouvelle professeur avec un sourire :

- Au lieu de tout repousser, vous pourriez manger avec nous non ? Il est midi, c'est donc la première chose a faire.... Et rien ne nous empêche de parler en même temps.

Un doute s'installa au coeur de Chaka : Le démon avait-il remarqué le bento sur la pile de documents ? Oui, bien sûr. Mais, dans ce cas, il était également possible, certain même, qu'il ait fait exprès d'inviter Mlle Dominguez pour l'embêter, lui, le sous-directeur qui avait enfin trouver le moyen de passer un peu de temps avec son supérieur. La professeur aurait-elle la délicatesse de décliner l'invitation ? En son fort intérieur, le jeune humain pria pour qu'elle ait cette vivacité d'esprit.

-Oh je... Je ne voudrais pas m’imposer...

Aah ? ça commençait bien, pour l'instant. Elle semblait bien partie pour retourner chez elle et manger en compagnie de son petit ami, d'une amie à elle ou... d'elle-même. Mais une personne comme elle avait probablement quelqu'un avec qui dîner.

-Pero... Pourquoi pas? Je vous remercie, señor.

Il avait du louper un épisode. Ou bien s'adresser au mauvais dieu, à choix. Toute fois son erreur ne changeait rien à ce qu'elle venait de dire. Elle acceptait. Il était vaincu. Il lâcha un soupir discret, et alla prendre un second siège dans le coin de la pièce qu'il installa à côté de celui où était assise Mlle Dominguez un instant plus tôt. Il ne pouvait pas en vouloir à cette jeune prof, il le savait, et décida donc de laisser de côté les sous-entendu bizarres qu'avait fait le directeur à son arrivée et de reprendre le cours des chose comme il aurait du avoir lieu. Il attrapa son bento et lança avec un sourire un peu forcé, certes, mais un sourire quand même :

- Bon eh bien, bon appétit !

Elle acceptait de manger avec eux... Bien ça, très très bien. Le repas allait être haut en couleur, à son avis. Surtout qu'à voir la tête qu'avait Azura en les regardant, elle devait soupçonner quelque chose... Allez savoir quoi.
Un truc débile, sans doute. Ah, les femmes. Compliquées et simples à la fois, pleines d'état d'âme et de froideur dans un seul corps, un seul esprit. La jeune espagnole ressemblait aux rues de Bucarest, celles qu'il avait vu dans son enfance de jeune démon. Ces rues droites, très vivantes, pleines de couleurs et de charmes aux heures d'après-midi, mais pourtant si froides et bornées lorsqu'elles étaient irritées par les gens stressés par la vie, ceux qui n'avaient même plus le temps de s'arrêter pour respirer, pour vivre. Et la nuit, si lumineuses, si créatives et colorées... Qui sait, peut-être Azura était-elle semblable, le soleil une fois couché ?
Il y avait aussi ces milles et une petites ruelles, certaines douloureuses et si secrètes, que l'on ne pouvait emprunter qu'avec un chemin bien particulier et mystérieux, un labyrinthe sentimentale bien étrange. Le monstre aussi, avait ses ruelles bien à lui, celles condamnées où personnes n'oserait mettre les pieds. Il osa se demander ce que l'ont pouvait bien découvrir, en se baladant dans les rues étroites de la jeune femme... Allez savoir de quelles atrocités le monde avait encore bien pu faire preuve...
Ou peut-être la jeune fille avait toujours bien vécu, allez savoir.

Enfin, revenons à nos moutons... Chaka s'était plié au bon vouloir du démon, il avait admis s'être faire avoir. Son soupir, peut-être pas aussi discret qu'il l'aurait souhaité, confortait tranquillement Youichi dans ses pensées. Pauvre Chaka. Tsuyosa se demandait quand même pourquoi il se laissait si facilement faire... Ou plutôt, qu'avait-il contre la jeune demoiselle ? Avait-il quelque chose contre les espagnoles ? Boarf, il lui posera la question, plus tard. Ça le turlupinait un peu...
En y repensant, Chaka avait aussi quelque chose d'un peu roumain. Il lui faisait penser à sa langue natale... Surtout quand il lançait quelque phrase de cette langue que peu de personne connaisse, et qu'on le dévisageait un peu bizarrement. Des accents un peu partout, surprenants, un peu capricieux et inattendus. Elle sonnait un peu comme du russe, cette langue du nord, glaciale et solitaire, alors qu'en réalité ses origines venaient du latin, doux et agréable à apprendre.

En même temps qu'il réfléchissait à tous ça, Osa se permit de pianoter un peu sur son ordinateur portable, posé un peu plus loin sur son bureau. Il tapa quelques touches d'un air contrarié, un peu embêté de savoir qu'il devrait s'occuper de tout ça après. Mais le présent est le présent, il fallait que le démon s'occupe de ses deux invités, maintenant.

- Alors, Mlle Dominguez, que pensez-vous de vos supérieurs ? lança-t-il comme si de rien était. Il posait toujours cette question aux nouveaux. Il aimait bien les mettre mal à l'aise, les regarder réfléchir à pourquoi et comment répondre à une question si compliquée et lourde de suite...

Azura s'installa dans le fauteuil et prit le bento de Youichi. Kamizori s'assit à son tour, à côté de la jeune femme, avant de lancer un "bon appétit" général auquel Azura répondit par un "merci" poli.
Timidement, elle commença à manger. Tour à tour, elle observa ses supérieurs. Kamizori avait l’air contrarié, ça se comprenait: à cause d’elle, il avait loupé un rendez-vous en tête à tête avec Youichi... Elle espérait juste qu’il ne lui en voudrait pas trop.
Youichi, quant à lui, pianota un court instant sur le clavier de son ordinateur, prenant un air sérieux qui lui allait à merveille. Puis, laissant de côté son travail, il entreprit à son tour de manger.
Un silence pesant allait gentiment se pointer, mais le directeur ne le laissa pas faire. Il demanda comme s’il n’y avait rien de plus naturel:

- Alors, Mlle Dominguez, que pensez-vous de vos supérieurs ?

Ca, c’était une question plutôt bizarre. Azura ne s’y attendait pas du tout, mais se contenta de répondre dans un haussement d’épaules:

-Eh bien... Vous avez l’air très compétents....

Bof, ça ne sonnait pas très juste. Un peu hypocrite, même. Le directeur ne voulait sans doute pas vraiment savoir ce qu'elle pensait d'eux, il voulait juste voir comment elle allait faire face à la question. Et évidemment, elle était tombé dans le piège en répondant n’importe quoi. Azura avait certainement encore une chance de se rattraper, il lui suffisait juste de jouer franc jeu:

-Mais bon, je n'en sais rien du tout. Je ne vous connais pas assez pour vous donner une réponse^^. Tout ce que je peux dire, c'est que vous êtes très doués dans la préparation des bentos!xD

Elle avait ajouté cela d’une voix légère, en souriant et en croisant les doigts pour qu’il ne trouve pas sa remarque totalement dépassée...

Ils commencèrent tous trois de manger, alors que le silence commençait gentiment de prendre le dessus. De toute façon ils étaient là pour manger, donc quoi de plus normal que de ne pas parler ? Mais il fallait bien avouer que ça ne risquait pas d'être très convivial, surtout pour une professeur venant d'arriver. Le directeur, qui avait pianoté un peu sur son ordinateur avant d'entamer son bento, prit la parole, s'adressant à leur nouvelle collègue.

- Alors, Mlle Dominguez, que pensez-vous de vos supérieurs ?

Il avait réellement un don pour poser ce genre de questions. Elle venait d'arriver, comment aurait-elle pu répondre à cela ? A part en répondant la première chose qui lui passait par la tête, c'était tout simplement impossible de se faire une opinion si rapidement. Choisissant la seule option qui s'offrait à elle, Mlle Dominguez répondit simplement qu'ils donnaient l'impression d'être compétents. Mouais, ce n'était décidément pas le genre de questions auxquelles on répondait facilement. Mais, contrairement à ce que pensait Chaka, la jeune professeur continua :

-Mais bon, je n'en sais rien du tout. Je ne vous connais pas assez pour vous donner une réponse^^. Tout ce que je peux dire, c'est que vous êtes très doués dans la préparation des bentos!xD

C'était surprenant qu'elle admette ne pas pouvoir répondre. Et qu'elle réussisse, en plus, à placer un peu d'humour là-dedans. Tout compte fait, le sous-directeur s'était sans doute trompé sur son compte en arrivant. Elle ne s'apprêtait sûrement pas à... à... bref. Non. C'était encore un sale coup du directeur, tout simplement. En plus, elle venait de dire que son bento était bon. Il devait la remercier ? Ou bien c'était juste une remarque en l'air, comme on en dit parfois sans s'en rendre compte. Bah, peu importe, il ne risquait pas grand chose. Il la remercia avec un sourire, avant de se rendre compte de l'erreur qui s'était glissée dans cette histoire. Il n'avait fait que deux bentos. Un pour lui, un pour le directeur. Comment se faisait-il qu'elle ait un bento fait maison dans les mains ? Bon, elle avait très bien pu prendre, par erreur, celui de Youichi. Dans ce cas, que mangeait-il, lui ? Il releva la tête vers son supérieur, décidant de lui poser directement la question :

- J'avais pas fait... seulement deux bentos ?

Lui ? L'air compétent ? L'avait-elle bien regardé ? D'accord, Chaka avait l'air d'être un bon sous-directeur, à l'écoute, gentil, compréhensif... Le genre a réconforter tout le monde après un cauchemar. De plus, il était beau, intelligent, un peu naïf peut-être mais c'était bien son seul défaut. A noter que l'humain était aussi un excellent cuisiner.

Osa, par contre, n'avait rien du directeur compétent. Enfin si, un peu quand même. La ruse, l'intelligence presque génie qui lui permettait de trouver les fonds et le soutien financier pour maintenir le lycée hors de l'eau, sa facilité à obtenir le respect et à diriger les autres... Mais c'était tout. Ce n'était pas pour rien qu'il n'enseignait une matière, ce n'était pas pour rien qu'il n'était en contact avec les élèves que pour une mauvaise raison. Il avait tendance à dégager sans le vouloir une aura malsaine, un peu méchante. Ce qui rendait les gens aussi méfiant face à lui. Normal qu'ils le soient, puisqu'il vaudrait mieux qu'ils le soient.
Youichi leva un sourcil devant la réponse d'Azura, impassible, un peu déçu de cette réponse.

Enfin bref. La jeune femme se rattrapa quand même un peu en disant qu'ils cuisinaient bien. Ah ? Lui trouvait son bento un peu sec par rapport à d'habitude. C'était la première fois qu'il trouvait un défaut dans le repas de Chaka.
C'est là qu'il a remarqué le petit sigle publicitaire sur la boîte. Oups. La nouvelle prof de chimie était entrain de manger ce que le sous-directeur avait préparé pour son directeur. Personnellement, Osa n'y voyait pas beaucoup d'objection, du moment que quelqu'un le mangeait. Sauf que cela n'allait peut-être pas plaire à Kamizori, lui qui avait l'air de ne pas porter la jeune femme dans son cœur.
Quand Chaka fit remarquer à son supérieur qu'il n'avait fait que deux bentos, le démon ne pu s'empêcher de répondre :

- Euh... Disons que d'après moi, la supérette d'à côté à un certain talent pour faire les bentos... J'espère que tu n'as pas mis trop de wasabi dans ta préparation, parce que Mademoiselle n'aime peut-être pas tellement...

Il était un peu mal à l'aise de s'être tromper. Ça allait sûrement faire des étincelles.